Dans une chronique bourrée d’énergie et superbement mise en scène, Kirill SEREBRENNIKOV, réalisateur russe assigné à résidence depuis l’été 2017, fait revivre deux représentants majeurs du rock underground soviétique, Mike NAUMENKO et Viktor TSO, qui marqueront l’histoire musicale de leur pays avec leurs groupes respectifs Zoopark et Kino. Lorsque commence le film, Mike est au firmament et Viktor commence seulement sa carrière. Tous deux fréquentent régulièrement le club rock de Leningrad, où les spectateurs n’ont le droit ni de se lever, ni de manifester trop bruyamment leurs émotions. Si le rock national est toléré, ceux qui l’aiment comme ceux qui le pratiquent sont sous bonne garde. Pourtant, SEREBRENNIKOV choisit de ne pas dramatiser outre mesure son récit, et insiste peu sur le contexte répressif de l’époque. Il met au contraire l’accent sur la musique et les prestations scéniques des différents groupes, nous régalant de chansons délicatement subversives et de mélodies entêtantes qui s’entremêlent au meilleur de la musique occidentale de l’époque, de Lou Reed à Iggy Pop. Et lorsque le réalisateur a recours à des parenthèses totalement décalées (et partiellement animées) pour rappeler l’envie de s’affranchir des règles qui anime ses protagonistes, il le fait avec une ironie désarmante, secondé par un narrateur omniscient qui vient régulièrement nous rappeler que ces épisodes fantasmés et parfois délirants n’ont pas réellement eu lieu. Malgré sa mélancolie latente, et son trio amoureux un peu convenu, Leto est ainsi un feel good movie inventif et survitaminé qui fait de la musique et de l’amitié les conditions essentielles d’une certaine forme de liberté.
Critique de Marie-Pauline MOLLARET
Film russe de Kirill SEREBRENNIKOV (2018). Avec Teo YOO, Irina STARSHENBAUM, Roman BILYK. 2h06.