Ceux qui ont vu le premier film d’Eva HUSSON, Bang gang, qui nous invitait à accompagner un groupe de jeunes lycéens provinciaux dans leurs débordements érotiques, seront sans doute surpris de voir la réalisatrice se tourner d’un tout autre côté pour son second long métrage. Les Filles du soleil nous entraîne en effet en Irak, aux côtés de résistantes kurdes et d’une reporter de guerre qui s’est attachée à leurs pas dans leur lutte contre les fanatiques de l’Etat islamique. Le ton n’est évidemment pas le même… Au cynisme des personnages de son premier film s’oppose l’idéalisme de ces « filles du soleil » qui luttent autant pour leur vie que pour leur dignité. Si le film ne sort qu’aujourd’hui sur les écrans, il a été vu au dernier Festival de Cannes, où il était présenté dans le cadre d’Un certain regard. L’accueil que lui avait alors réservé la critique est apparu comme très réservé, pour ne pas dire plus, les reproches les plus courantes tournant autour d’une héroïsation un peu forcée des personnages et d’un manque de nuances dans la description des enjeux. Ce n’est pas faux. Pour autant, pouvait-il en être autrement ? Eva HUSSON, dont les ascendants se sont jadis illustrés dans l’opposition friontale à FRANCO, est une résistante. Elle ne cherche pas à faire œuvre d’historienne, pas plus qu’elle ne prétend se substituer à la journaliste incarnée par Emmanuelle BERCOT, qui n’imagine pas une seconde devoir rester neutre et présenter la réalité sous plusieurs angles. Le choix d’offrir le rôle principal à Golshifteh FARAHANI n’est sans doute pas neutre non plus, tant il est évident que la comédienne, d’origine iranienne, n’est pas non plus de celles qui courbent l’échine. Au final le film se présente à nos yeux comme un cri, comme une clameur pleine d’espoir, qui apporte son soutien sans le mesurer une seconde à ces femmes en première ligne contre l’obscurantisme. Encore une fois certains trouveront sans doute cela un rien réducteur. Que l’on nous permette de trouver que la simplicité du film est en l’occurrence un atout et que l’émotion peut prendre toute son ampleur sans brider pour autant la réflexion.
Critique de Yves ALION
Film français d’Eva HUSSON (2018), avec Golshifteh FARAHANI, Emmanuelle BERCOT, Zübeyde BULUT. 1h51.