Sorti dans de mauvaises conditions en 1964, Rue des Cascades arrêta net la carrière de son auteur. Né en 1922, grand résistant (il fut l’un des manifestants du 11 novembre 1940 aux Champs-Elysées), Maurice DELBEZ fut assistant puis metteur en scène après la guerre, il connut quelque succès avant de se lancer presque seul dans ce projet qui le ruina pour quinze ans. Il a aujourd’hui la joie de le voir restauré et distribué grâce au Forum des Images, à la Mairie de Paris et aux 155 donateurs du site de crowdfunding des Celluloid Angels, qui ont déjà sauvé Les Tontons flingueurs et La Belle Marinière. Adapté du premier roman de Robert SABATIER, Alain et le Nègre, qui se passait à Montmartre dans les années 30, le film se déroule sur les hauteurs de Belleville et témoigne des dernières palpitations d’un quartier populaire, bistrots et terrains vagues, calva au comptoir et gardien de la paix à sifflet et bâton blanc. Un enfant apprend à connaître l’amant de sa mère, un boxeur guitariste antillais trop jeune pour elle. Le film n’est ni Les Quatre Cents Coups, ni même Le Cerf-volant du bout du monde, mais il est antiraciste, anticolonialiste, féministe, ambitieux. Dans une scène, le jeune homme berce les rêves d’exotisme à deux sous des gamins en imaginant une chasse africaine où les grues et les pelleteuses de Belleville se transforment en girafes et en éléphants. Ces animaux imaginaires évoluent sur les chantiers qui font disparaître le vieux Paris. Jolie métaphore pour un film fragile qui réintègre un peu par miracle notre mémoire du cinéma.
Critique de René MARX
Film français de Maurice DELBEZ (1964), avec Madeleine ROBINSON, Daniel JACQUINOT, René LEFEVRE, Suzanne GABRIELLO. 1h27