Ce western, Jacques AUDIARD y pensait depuis que le comédien John C. REILLY lui avait fait lire le roman de Patrick De WITT dont il est tiré. Sa Palme d’or de Dheepan lui a permis de le réaliser. Il mobilise pour cela des acteurs américains, mais veille à creuser son propre sillon. Pas question pour lui de rendre hommage à John FORD ou Anthony MANN, de jouer les iconoclastes, façon Sam PECKINPAH, ou de mettre ses pas dans ceux de Sergio LEONE. Les Frères Sisters met en scène un Ouest en pleine mutation où les villes sortent de terre en préfabriqué et où la loi du plus fort cède aux assauts de la civilisation. Qu’importe que le San Francisco dont il montre l’éclosion s’édifie sur terrain plat. L’essentiel est ailleurs. AUDIARD ne prétend pas montrer la vérité historique. C’est d’ailleurs à dessein qu’il a préféré aller tourner en Espagne et en Roumanie plutôt qu’aux États-Unis dont le western a épuisé les décors naturels. Il s’adonne à un genre qu’aucun Français ou presque n’a eu l’audace d’aborder, sinon Claude LELOUCH dans Un autre homme, une autre chance et quelques aventuriers téméraires qui firent mine de croire en des temps reculés que la Camargue possédait la sauvagerie des grands espaces américains. Les Frères Sisters décrit la fin d’un monde où deux chasseurs de prime traquent leur proie pour donner un sens à leur vie. C’est une quête existentielle qui s’inscrit dans un cadre cinématographique familier, même si AUDIARD n’a cure des références et des conventions westerniennes.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film franco-américain de Jacques AUDIARD (2018), avec Joaquin PHOENIX, John C. REILLY, Jake GYLLENHAAL. 1h57.