Meryem BENM’BAREK-ALOÏSI n’a pas volé le prix du meilleur scénario qui lui a été décerné lors du dernier Festival de Cannes dans le cadre de la section Un certain regard. Son premier long métrage aborde en effet un aspect tabou de la condition féminine dans son pays, à travers le cas d’une femme victime d’un déni de grossesse qui dispose de vingt-quatre heures après l’accouchement pour fournir l’identité du père, sous peine d’être dénoncée aux autorités et en conséquence mise au ban de la société. Une quête aussi infernale que désespérée au fil de laquelle chaque mensonge va s’avérer en cacher un autre. Le film s’appuie sur cette histoire poignante pour dresser l’état des lieux d’une société matriarcale régie par des conventions machistes dont la modernité revendiquée se fracasse contre un obscurantisme séculaire. La femme y demeure avant tout un objet de plaisir soumis à la loi des mâles, ainsi que le montrait déjà Nabil AYOUCH dans Much Loved. À vingt ans, Sofia est victime de sa condition bourgeoise, sans pouvoir compter sur la solidarité de son entourage, pas même des femmes qui le composent et sont condamnées à endurer les mêmes affres. La réalisatrice souligne en particulier l’hypocrisie coupable qui régit des relations au sein desquelles les sentiments ne sont qu’accessoires par rapport à des coutumes qui se perpétuent de génération en génération dans un silence assourdissant. Il faut amplifier ce cri du cœur pour aider les langues à se délier et les mentalités à évoluer.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film marocain de Meryem BENM’BAREK-ALOÏSI (2018), avec Maha ALEMI, Lubna AZABAL, Sarah PERLES. 1h20.