En Corée, la Guerre froide a la vie longue. Les derniers événements laissent entrevoir quelques changements. Mais dans les années 90 encore, les histoires d’espionnage dignes des premiers romans de John LE CARRE se déroulaient encore. Avec leurs faux papiers, leurs agents doubles, triples, quadruples. Ces agents à qui on rappelait au départ de leur mission qu’une fois pris par l’ennemi personne ne viendrait les sauver. Ils mourraient abandonnés par leurs chefs, qui ne reconnaîtraient pas même leur existence ou leur sacrifice. Le personnage principal est inspiré de PARK Chae-seo, un des espions du Sud les plus célèbres, sous le pseudonyme de Black Venus. Il se dissimula sous les traits d’un vulgaire affairiste, un publicitaire lourdaud venu draguer les responsables du Nord avec des promesses commerciales. Il venait en fait, en passant par Pékin, espionner le programme nucléaire de KIM Il-sung. Le film, très long, n’est jamais ennuyeux. YOON Jong-bin réalise l’exploit attendu : raconter clairement, y compris à un public non-coréen, une histoire par définition terriblement compliquée. S’ajoutent aux questions nucléaires les affaires politiques internes de la Corée du Sud. Le cinéaste ramène les espions et leurs adversaires (partenaires ?) à leur humanité. L’héroïsme n’étant pas de se prendre pour James BOND. Mais d’être prêt à mourir, inconnu, ignoré, porté par un patriotisme dont nul n’aura jamais connaissance. Les dernières minutes du film, conformes à l’Histoire, constituent aussi un twist scénaristique qui suscite l’émotion là où on attendait le spectaculaire.
Critique de René MARX
Gongjak. Film coréen de JONG-BIN YOON (2018), avec Hwang JUNG-MIN, SUNG-MIN LEE, Cho JIN-WOONG et JU JI-HOON. 2h20.